DE MONTESQUIEU

Lettres persanes

Lettres persanes. - Amsterdam, P.Brunet, 1721, 2 vol. gr.in-12.(Carn., 2844 et 2845, autres éditions)Je n'ai pas à entrer ici dans beaucoup de détails sur cette œuvre capitale et très connue de MONTESQUIEU. Il me suffit pour la règle bibliographique de mon travail, de rappeler que l'édition originale des "Lettres persanes" a paru sous le voile de l'anonyme et que, maintes fois réimprimées depuis, elles sont, pour l'historien des mœurs parisiennes, une mine très riche de renseignements précieux et d'observations des plus fines. Remplies de hardiesse et quelquefois d'irrévérences, elles agitent toutes les questions, les dissèquent et déroulent à l'imagination du lecteur un tableau des plus intéressants de l'histoire morale de la fin du règne de Louis XIV, ainsi que de celle du commencement de la Régence. On peut dire que Montesquieu a égalé La Bruyère mais il ne l'a pas dépassé ; il s'est souvenu de lui, mais il ne l'a pas imité. Montesquieu a un style qui lui est propre, une philosophie que j'oserais dire un peu gaie et qui n'appartient qu'à lui.Montesquieu n'avait guère plus de trente ans quand il publia les " Lettres persane" ; aussi, si le futur et grave auteur de "L'Esprit des lois" (1748) perce déjà dans de nombreux passages de cette œuvre de jeunesse, on ne peut s'empêcher de remarquer dans son ouvrage cette pointe de libertinage qui caractérise la Régence et l'a assaisonné au goût de l'époque où il a été publié.On connaît le plan des "Lettres persanes" ; Usbeck et Rica, deux amis, deux Persans de qualité, quittent leur pays et font le voyage d'Europe ; ils tracent dans leurs lettres, adressés à leurs compatriote ou aux serviteurs qui ont la garde de leur sérail, un tableau de tout ce qui les frappe, au point de vue moral, dans leur voyage. Nombre de leurs lettres, et principalement celle d'Usbeck, le personnage principal, sont datées de Paris. D'autres avant moi ont émis une supposition qui ne manque pas de vraisemblance et d'après laquelle Montesquieu aurait dû l'idée de faire ainsi parler des Persans, à Dufreny qui avait, avant lui et de la même façon mis en scène un Siamois dans les "Amusements sérieux et comiques"? Mais combien Montesquieu s'est montré supérieur au devancier qui l'aurait inspiré !J'ai résumé ici, plus brièvement que je n'aurais eu le désir de le faire, les observations que m'a suggérées la lecture de ce livre qui avec tous ses défauts est, comme l'a dit Sainte-Beuve, " un des livres de génie qu'à produits notre littérature " et je me suis inspiré de l'excellent article que l'éminent critique a consacré à Montesquieu dans ses Causeries du Lundi ; mais la lecture de cette note trop écourtée ne dispensera pas les chercheurs de se reporter à cet article qui se trouve dans le tome VII (3e édition, Garnier frères). p.41. Voyez aussi dans le même recueil t.IX, p.369, une curieuse et très juste critique écrite par Marivaux sur les "Lettres persanes", et que Sainte-Beuve a transcrite en entier ; enfin, consulter dans les Etudes critiques, par M.Maurice Meyer (1850), p.174, un intéressant travail sur les "Lettres persanes"Si le bibliophile et le collectionneur doivent rechercher les anciennes éditions des "Lettres persanes", le travailleur fera mieux de consulter les éditions modernes ; pour les particularités bibliographiques relatives aux œuvres de Montesquieu, il faut consulter : " Montesquieu ; bibliographie de ses œuvres, par L.Vian". (Paris, Durand et Pedone-Lauriel, 1872, in-16, 32 p.), ainsi qu'un article du même auteur, signé des initiales L.V., dans "L'amateur d'autographe" de Charavay, numéros des 1er et 16 juillet 1869. p.205.Parmi les éditions les plus modernes et les plus complètes des "Lettres persanes", il faut citer celle publiée chez Garnier frères, 1866, ou année suivantes, in-12